10 Juin 1940

Le 10 juin; toujours avec Tissié, compagnon des bons et des mauvais jours, nous devons porter un pli urgent à Quatre-Champs, à environ 4 km du Chêne. Ca barde plus que d'habitude, tant dans le ciel que sur la terre: on entend confusément la bataille de chars qui se déroule à quelques kilomètres, où sera tué notre député de Villeneuve: De la Mire Mory. A l'entrée à Quatre-Champs nous subissons un bombardement d'artillerie. Ca tombe de partout ; nous nous planquons dans un fossé, alors que nous arrivons aux cuisines où notre chef cuistot commet l'imprudence de sortir pour essayer de se rendre compte de ce qui se passe. Elle lui sera fatale : un éclat d'obus le frappe en pleine poitrine. On se précipite, on le couche : un regard qui semble dire "pourquoi ?" et c'est fini. Nous devons vite rejoindre notre unité car le pli que nous portions sans en connaître le libellé, donne l'ordre de retraite.
Nous rentrons précipitamment par la voie la plus rapide même à pied : la route. Des chars viennent vers nous : sont-ils français? De loin et quand on en a peu vus, on ne peut les connaître. Faut-il sauter dans le fossé : ils ont à peu près autant de chance d'être ennemis. On ne saute pas ! Ils sont français. Ouf!