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FrantzDelanis

11 mars 2009

Retour à Agen

Il vaut mieux ne pas avoir à donner d'explications !
Tissié retrouve Marmande et moi Agen une heure plus tard.
Pas de billet ; pour éviter des questions et peut-être des ennuis je passe au bureau des trains où des amis de mon beau-père (cheminots encore !) me font passer par dessus les grilles. Agen ! Nous sommes le 6 octobre. Je frappe au 26, de la rue Ducourneau.
Ma belle-mère ouvre :  " Et d'où sortez-vous ?
- Je me suis barré.
- Simone !  C'est Frantz !
Sans nouvelles récentes, ma femme tombe dans les pommes. Ce sera de courte durée et les retrouvailles sont émouvantes.
Jean-Claude, Christian et Michel dorment : ils ont 21, 9 et 9 mois. Finie la guerre ? Elle ne finira que 55 mois plus tard le 8 mai 45, 30 ans jours pour jours avant l'arrivée de Maxime.

 


Frantz Delanis, 4 mars 1982

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10 mars 2009

Passage en Zone Libre

Il faut maintenant trouver une solution, la plus sûre possible, pour franchir la dernière étape dont le "point culminant" est le passage de la frontière.
A pied, à travers les Landes, c'est sûr, mais à notre avis trop long. Passer, comme le suggère le beau-père, dans le dernier wagon avec une casquette de cheminot et une lanterne? Un peu scabreux et dangereux pour notre ami si on se fait prendre ! Nous irons donc "franco" et nous prendrons le train normalement jusqu'à Langon, ville frontière. Là-bas, on avisera. Ainsi fut fait.
Un incident, cependant au cours du voyage.
Installés confortablement dans notre compartiment où nous étions suels, nous voyons surgir deux "armoires à glace", deux soldats allemands qui sans ménagement nous demandent nos "papirs".
Sommes-nous faits, si bêtement, à deux doigts du but ? Pourquoi n'avons-nous pas pris la forêt ?
Nous avons l'un et l'autre notre permis de conduire, que nous présentons. Inspection minutieuse : Good, ça va ! Pas trop curieux, les Frizous ! La baraka continue !
A Langon, on peut descendre, prendre la nature. Mais le train a du retard, il fait presque nuit.
Si on essayait de se planquer et reprendre le train pour Agen ? (Marmande pour Tissié). Tous les voyageurs pour Langon descendent ; nous restons.
Puis raüs ! Il faut descendre du train qui va être visité de fond en comble. Il reste peu de voyageurs. Nous descendons et nous planquons derrière un pylone à gros socle de ciment (comme celui d'Amagne qui nous a sauvés). On fait remonter les voyageurs pour contrôle. On entend des coups de feu ! Nous restons cachés. Enfin, le train s'ébranle et nous le prenons en marche dans la nuit complice. Il ne nous reste plus qu'à éviter le contrôleur, qui bien que Français, pourrait être une "emmerdeur".

8 mars 2009

De Paris vers Bordeaux

Faut-il téléphoner à Agen pour annoncer la nouvelle ? A l'unanimité, non. Car si le plus gros semble avoir été fait, nous ne pouvons affirmer que nous arriverons à Agen sans encombre.
Plusieurs solutions s'offrent à nous : à pied, mais même à  trente kilomètres par jour, il faudra trois semaines. La route ? En Stop ? Peu sûr. Reste le train, par Limoges et Périgueux, ou par Bordeaux.
Ce sera Bordeaux, où réside le beau-père de Tissié qui est cheminot et qui pourra nous donner des "tuyaux" pour traverser la frontière entre la zone occupée où nous sommes et la zone libre où nous désirons aller.
Dès que nous sommes reposés (deux jours) sans visiter Paris infesté d'Allemands, les vainqueurs provisoires, avec ou sans uniforme, nous rejoignons la gare d'Austerlitz, munis d'une valise qui remplace la musette, pour avoir vraiment l'air de voyageurs, car nous allons enfin prendre un train confortable : billets pour Bordeaux, aussi en zone occupée, pas de problème. Adieux et remerciements à nos amis, et en route pour la dernière étape !
Arrivée à Boreaux, sans histoire ; le beau-père de mon ami Tissié est aussi ébahi que les autres.

7 mars 2009

Arrivée à Paris

Nous trouvons dans des circonstances moins périlleuses qu'à Amagne, un cheminot français qui aussi complaisant que le premier, nous indique quel wagon nous devons prendre : "sautez avant Paris vers Noisy-le-Sec !", nous conseille-t-il.
Même installation dans la vigie, même sorte de voyage, aussi frigorifiant que le premier.
Après quelques heures de trajet brinquebalant, voici qu'approche Paris. Ce train va bien vite !
Tans pis ! Il va falloir sauter, sans accrocher un poteau (ils paraissent bien rapprochés). Voici un plan incliné impeccable, allons-y !  Cela s'effectue sans mal et nous voyons l'air ébahi du chef de train dans la dernière vigie qui ne pensait pas avoir ces drôles de compagnons de voyage qui n'attendent même pas la gare pour descendre !
Il faut maintenant rejoindre Pantin à pied : petit étape. Quelle surprise pour Raymonde, notre amie de Paris, lorsque ouvrant sa porte, elle m'aperçoit :  Frantz ! Et d'où sors tu ? Il a fallu donner des explications détaillées. En revanche, nous aimerions bien avoir des nouvelles : de la famille, du pays. Les communications avec la zone libre ne sont pas faciles, les nouvelles passent au crible de la censure allemande.
Passons au plus urgent : nous restaurer, nous nettoyer ainsi que nos vêtements et sous vêtements peuples de pensionnaires à croix sur le dos auxquels nous n'avons pas eu le temps de faire la chasse, en ces journées chargées. Les vêtements à la désinfection! et nous un bain bien chaud et prolongé nous sera salutaire et bienfaisant.

6 mars 2009

Vers Châlons

Et déjà nous regrettons d'avoir succombé au charme de cette sirène blonde. Mais non, elle ne nous a pas trahi ! La ferme est occupée par les allemands mais il y a beaucoup d'ouvriers agricoles et on nous a fait passer pour deux de ceux-là. Nous pouvons donc savourer en toute quiétude notre excellent repas (le meilleur depuis six mois). On nous donne encore un gros gâteau et on nous souhaite bon voyage !
Nous remercions avec reconnaissance nos sympathiques hôtesses et nous reprenons bien lestés, la route de Châlons. Voici l'Epine et son clocher caractéristique. Plus que dix kilomètres ! Nous pouvons les faire, puisque nous avons repris des forces ! En effet, au crépuscule, nous arrivons dans les faubourgs de Châlons : il faut traverser trois ponts successifs :  sur la Marne, sur un canal, sur la voie ferrée. Il y a du monde, et nous passons sans problème, les frizous de garde, ne pouvant demander les papiers à tout le monde.
Et voici la gare !  Nous y pénétrons (sur les voies de garage) à la nuit tombante.
Avec nos cinquante kilomètres dans les jambes, nous n'avons pas envie de visiter Châlons qui parait avoir moins souffert que les villes que nous avons traversées.
Nous avons vu des prisonniers français, bien reconnaissable avec leur KG (Krieg Gefangener) dans le dos, et nous qui pensons avoir fait le plus dur de notre évasion, ne comprenons qu'ils ne tentent pas de se sauver. Ce serait facile. Mais nous ne sommes pas là pour leur donner des conseils !

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4 mars 2009

A la ferme

Mais trêve de considérations philosophiques ! Il faut rejoindre Châlons à travers cette plaine de Champagne ! Beaucoup de gibier, notamment des outardes. Nous accumulons les kilomètres, nantis d'une fourche et d'une pelle pour faire plus vrai :  de vrais paysans, mais cela nous mâche les épaules et nous finirons par les bazarder. C'est dur de marcher ainsi, sans presque rien dans l'estomac : les pommes de terre bouillie de Poix-Terron sont loin. Tiendrons-nous le coup ? Mais voici que vient vers nous une charmante jeune fille (comment ne serait-elle pas charmante, il y a si longtemps que nous n'en avons pas vu ! ) et et nous demande souriante : vous êtes des prisonniers français ?
Cela se voyait dont ! Et nous qui croyions faire le type parfait du paysan champenois !
Elle nous propose aimablement de venir nous restaurer chez elle. Qui y eyt résisté ? Et puis nous sommes sûrs que les Français s'entr'aident, après nos malheurs et les horreurs de la guerre !
Nous la suivons, confiants, dans une grande ferme avec au centre une grande cour carrée et nous pénétrons dans une immense pièce. Sa mère, une grande et blonde Alsacienne nous reçoit très cordialement malgré un accent germain prononcé et nous fait porter des victuailles copieuses et au fumet délicat. Nous nous disposons à y faire honneur quand arrive un sous-off allemand qui de sa voix gutturale s'adresse à la fermière qui lui répond dans la même langue. Nous sommes faits, pensons-nous.

3 mars 2009

Le long de la route de Valmy

Nous sommes à peu près les seuls piétons, et sans doute bientôt un de ces charmants individus de la Feld-gendarmerie va nous trouver l'allure suspecte et nous demander nos 'papirs'.
Quittons ces lieux trop fréquentés. Nous allons suivre la route pour ne pas se perdre, mais à distance respectable : cent à deux cent mètres. Essayez un jour de suivre une route dans ces conditions, vous m'en direz des nouvelles ! Nous avons fait au moins dix km de plus que le trajet normal et dans quelles conditions : traverser des champs, des bois pleins de ronces, des fossés, des clôtures que sais-je ? Il y avait des civils (enfin ! ) car nous n'étions plus en zone interdite, mais en zone occupée.
Quelques kilomètres après le départ, nous avons vu Valmy, et son célèbre moulin sur la colline historique où se distinguèrent Kellermann et les soldats de l'an II.
Nous avions été un peu moins remarquables, nous les soldats de l'an 40, et pour le moment nous avions un seul but : rentrer chez nous. Il me revenait en mémoire quelques vers de Victor Hugo, à propos des guerres et de l'après guerre :
"Cependant que ces altesses
Se feront des politesses
Pendant que vous pourrirez"
Est-il indispensable de s'entretuer, pour s'entendre ensuite ? Entendons-nous, et évitons ces carnages horribles et imbéciles.
Valmy:
" De ce lieu de ce jour (20-09-1792) date une nouvelle époque de l'histoire du monde" (Goethe)

2 mars 2009

Saut du train

On prend sa respiration, on saute dans le sens de la marche, un roulé boulé, et nous voilà sains et saufs dans la nature ! Nous longeons la voie ferrée afin d'être prêts d'une route pour trouver la direction de Châlons.
Il faut rejoindre Châlons par la route, les ponts de la voie ferrée ont sauté et sont inutilisables.
Quelle n'est pas notre stupéfaction de trouver à quelques mêtres de l'endroit où nous avons sauté, un pont, provisoirement aménagé afin que puissent passer les trains. Celui que nous venons de quitter vient de le franchir et c'est l'explication de son ralentissement. Nous avons failli sauter dans l'Aisne ! et dans quelles conditions, car elle est en contrebas et cela aurait fait un plongeon d'une bonne dizaine de mètres qui risquait bien d'être le dernier !
Mais pour réussir une évasion, il faut avoir la baraka, et jusque là, nous l'avions !
Donc, nous traversons le pont comme nous pouvons, à quatre pattes, car il n'y a que quelques traverses et pas de garde-fous :  ce n'est pas pour les piétons ! Après les émotions, dès que nous trouvons une route, nous nous installons à proximité, mais cachés cependant, et nous tirons des plans pour l'étape suivante, qui se fera à pied.
Voici les premières lueurs de l'aube. Il faut partir ! Pas de problème pour trouver la route de Châlons sur Marne : 42 km. C'est faisable ! Il n'y a qu'à suivre la route ! Oui mais cette route est drôlement encombrée, non pas de voitures de touristes comme un retour de week-end, mais de convois allemands : des camions, encore des camions, des motos !

1 mars 2009

En train

Voici qu'arrive un cycliste : ami ? ennemi ? Impossible de savoir, mais qui ne risque rien, n'ai rien ! Nous l'arrêtons . C'est un français ! Il a vite compris, car nous ne sommes pas les seuls premiers prisonniers qui tentent la belle. Et nous, et bien d'autres devront une fière chandelle aux cheminots.
Il nous propose deux solutions, car deux trains doivent partir dans la nuit, de marchandises bien sûr. L'un rejoint Hirson, au Nord, l'autre Sainte Menehould, au Sud. Sans hésitation, pour toutes sortes de raisons, dont une sentimentale sans doute, nous optons pour la deuxième.
Sainte Menehould !  Où est enterré le père de Tissié, mort pendant la guerre de 1914-18 ! Nous l'avons traversée en montant au front en Septembre, pendant la retraite nous l'avons retrouvée en flammes, quand nous étions prisonniers nous y avons séjourné après Dieuze. Et voici que nous allons la revoir, libres. Notre sympathique compatriote nous recommande de sauter lorsque le train ralentira en approchant de Sainte Menehould, car la gare est infestée d'Allemands, qui risqueraient d'être trop curieux. Ensuite, Châlons à pied ( pas de train).
Il nous installe dans une vigie et là nous attendons fébrilement le moment du départ.
Il finit par venir dans un bruit de ferraille qui va s'amplifiant. Cahin-caha, sur une voie ferrée provisoirement rafistolée, notre train nous rapproche un peu plus de la liberté. La vitesse ( au moins trente km/h) nous refroidit et nous devons nous frotter dos contre dos ponr ne pas se frigorifier. Nous ne voyons rien, la nuit est très noire. Il y a à peu près deux heures que nous roulons, un ralentissement : sûrement nous arrivons. Vite sautons !

24 février 2009

Gare de triage d'Amagne

Dès que la nuit vient nous repartons et tombons sur une immense gare de triage. Quels problèmes pour la contourner! Devant cette difficulté imprévue nous décidons de changer notre fusil d'épaule (rassurez-vous nous n'étions pas armés!). Je veux dire plutôt d'adopter une autre solution. Si nous prenions un train! Quel temps gagné et quelle fatigue évitée! (nous avions les 25 ou 30 km de la nuit encore dans les jambes).
Oui mais comment? Nous sommes en zone interdite, il n'y a pas de civils : rien que des Allemands et des prisonniers ! Et aussi quelques cheminots, paraît-il.
Il y en a sûrement dans cette gare, mêlés à des soldats et peut-être des cheminots allemands.
Impossible de se présenter dans la gare, ce serait tomber inévitablement dans la gueule du loup.
Attendons : voici un wagon isolé éclairé. On approche, on se planque derrière un gros pylone, pourvu d'un socle compact, et nous écoutons et observons. Mais voici que quelqu'un sort :  un frizou : Nos coeurs battent un peu plus fort et nous restons immobiles comme des statues et silencieux comme des carpes.
Le frisé vient satisfaire un besoin pressant à quelques mètre de nous. Sortant d'un lieu très éclairé, il ne pouvait nous voir dans l'obscurité, derrière ce pilier de ciment. Ouf ! Mais l'endroit est malsain, changeons de secteur.

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